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1611-12-28.DE Duplessis

1
Monsieur

J’ai receu les vostres du 25 d’octobre2 , le 20 décembre et, puisque vous estimés plus à propos, je vous escrirai desormais en ceste langue.
Lorsque j’ai faict à pere Paul la proposition de Ferrare3 , je n’ai poinct creu qu’elle feust de saison pour l’heure car je me ressoubvenois bien de ces maximes que je tiens pour certaines, qu’il n’est interest si puissant, ni espérance si apparente, à quoi la seigneurie ne préfère le repos d’Italie ; mais j’ai pensé seulement vous en debvoir advertir afin que si d’ailleurs il venoit à se troubler, vous sceussiés que monsieur de Guise y a desseing et sonde de loing les moyens de le faire esclorre.
Du duc de Savoie, je remarque assés son esprit tendeu à la guerre et les raisons ou passions qui l’y portent; mais tout seul il ne peult rien, et nostre minorité4 et ces nouveaulx traictés de mariage avec Espaigne5 ne lui peuvent promettre le cours de nostre cause. Je tiens que cest abouchement avec monsieur d’Esdiguières6 ne pourra rien et, quant à recevoir la relligion chés lui, c’est chose jusques ici trop esloignée de ses déportemens et, comme je crois, de sa pensée.
Vous sçaurés, par celles que j’escris à mes amis, le conseil qui se dresse à Heidelberg. Là, avec le temps, il se pourra former de bons affaires car les plus grands aujourd’hui et qui doibvent avoir plus de suitte, se traictent en Allemaigne. La relligion, en France, a vivement relevé sa réputation, ayant faict voir qu’il n’y a ni practique ni auctorité qui puisse rompre son union; tellement qu’on se resould à ceste heure de nous conserver et contenter, comme nécessaire à l’Estat.

Je prendrai ordre avec monsieur de Lisle7 , afin que nos lettres de l’ung à l’aultre soient plus tost rendeues.
Je sui, Monsieur, tout à vostre service, etc

[Saumur], le 28 décembre 1611

  • 1Le volume 368 des Mémoires de l’an MDCVIII-IX et X porte le sous-titre : La négotiation de Venize.
  • 2Voir lettre 1611-10-25 à Duplessis.
  • 3Duplessis évoque ici le projet du duc de Guise de s’emparer du duché de Ferrare, tombé en deshérence à la mort d’Alfonso II, le 27 octobre 1597, et dévolu aux Etats de l’Eglise en 1598. Sa proposition est de s’y établir car il peut prétendre au duché : en effet, il est petit-fils d’Anna d’Este, fille aînée du duc Ercole II et de Renée de France. C’est-à-dire qu’il appartient à la branche aînée de la famille ducale alors que son rival, Cesare d’Este, appartient à la branche cadette, entachée de bâtardise.
  • 4Duplessis fait référence à la minorité du roi de France, Louis XIII.
  • 5Allusion à la politique matrimoniale de la régente qui organise le double mariage franco-espagnol du dauphin avec l’infante d’Espagne, Anne d’Autriche, et de sa fille Elisabeth avec l’infant-prince des Asturies, futur Philippe IV.
  • 6Voir Notices biographiques : François de Bonne, duc de Lesdiguières.
  • 7Voir Notices biographiques : Jérôme Groslot de l’Isle.

Type scripteur
  • Copie

Chiffrement
  • non chiffrée

Signature
  • non signée

Lieu
  • Saumur

Source
  • BU Sorbonne, ms 3681, f. 185v

Editions précédentes
  • M. Busnelli, 1931, II, lettre XII, p. 234-235.